CONTRÔLE DES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS EN FRANCE (IEF)

Décembre 2022

Le climat politique et économique de ces dernières années a fait évoluer les procédures de contrôle des investissements directs étrangers en France et dans le monde. Un bref descriptif de la procédure applicable aujourd’hui en France est ici proposé.

Les enjeux du contrôle des investissements étrangers : intérêts nationaux et avantages économiques

En 2021, la France a battu son record de 2019 en matière d’accueil des investissements étrangers (en nombre de projets et emplois associés).

Dans le contexte de la crise sanitaire de la Covid-19, de nombreux Etats ont renforcé leurs mécanismes de contrôle des investissements étrangers, craignant la perte de contrôle des capacités industrielles et de R&D en matière de santé. A long terme, ce sont tous les domaines d’activité qu’ils entendent protéger (énergie, agroalimentaire, nouvelles technologies, pour ne citer que les plus médiatisés).

 

Il est donc à prévoir que les Etats feront, si ce n’était déjà le cas, une application stricte de leur règlementation en matière d’investissements étrangers afin de protéger leurs intérêts nationaux. C’est ce que la Commission européenne a d’ailleurs encouragé les Etats membres à faire, dès mars 2020.

 

L’Union européenne (UE) dispose également de mécanismes de coopération entre les Etats membres et la Commission européenne (issus d’un Règlement de mars 2019), lesquels doivent désormais échanger des informations sur les investissements étrangers projetés ou reçus. Une possibilité pour l’UE, en dehors des règlementations nationales existantes (si elles existent), de filtrer ces investissements.

 

Rester ouvert et attractif tout en protégeant ses intérêts nationaux, voici l’exercice auquel les Etats se livrent, car les investissements étrangers joueront un rôle essentiel dans les années à venir pour se relever de la crise économique née de la Covid-19, et aggravée récemment par la guerre en Ukraine.

La procédure de demande d’autorisation d’un investissement étranger en France

Par l’intermédiaire de son ministre chargé de l’économie, la France soumet à autorisation préalable les investissements étrangers réalisés dans les activités de nature à porter atteinte à « l’ordre public, la sécurité publique, ou la défense nationale ».

En 2020 et 2021, la France a ajouté à la liste des activités protégées (Article R151-3 du Code monétaire et financier), deux activités de R&D portant sur des technologies critiques : les biotechnologies (visant indirectement le domaine de la santé) et les technologies intervenant dans la production d’énergie renouvelable.

Les investissements visés sont : la prise de contrôle (acquisition, augmentation de capital ou constitution), l’acquisition de branches d’activités, et, pour les investisseurs non-membres de l’UE, le franchissement du seuil de détention de 25% d’une entreprise française. Toujours dans le contexte de la crise sanitaire, ce dernier seuil a été temporairement abaissé à 10% pour les investissements dans les entreprises cotées.

 

Les informations à fournir à l’appui d’une demande d’autorisation doivent notamment permettre d’identifier les bénéficiaires ultimes de l’investissement, l’existence de liens financiers avec un gouvernement étranger, les actifs stratégiques concernés, les motivations de l’investisseur.

 

Le silence du ministre à l’issue d’un délai de 30 jours suivant le dépôt de la demande vaut rejet. Le ministre peut également faire courir une période d’examen complémentaire de 45 jours. En pratique, l’investisseur et le gouvernement français échangent en dehors des dépôts formels d’information.

 

Les autorisations peuvent être soumises à des conditions afin notamment d’assurer la pérennité des activités protégées en France ou d’empêcher la captation des savoirs (exemples de conditions : maintien du siège social, des capacités de production et/ou des centres de R&D en France, poursuite de certains contrats, cession de participations ou d’actifs de la cible). L’investisseur et l’Etat français signent une lettre d’engagement listant les conditions de l’autorisation.

 

La décision de refus d’autorisation ou d’autorisation sous conditions est une décision administrative susceptible de recours pour excès de pouvoir devant les juridictions administratives. Le refus doit être justifié par l’impossibilité de préserver les intérêts nationaux, même en imposant des conditions, ou le fait que l’investisseur ne satisfait pas au « test d’honorabilité ».

 

Bien entendu, toute une batterie de sanctions conclut ce dispositif à l’attention de ceux qui s’y soustrairaient :

  •    nullité du contrat qui réalise l’investissement non autorisé,
  •    injonctions de faire, au besoin sous astreinte,
  •    mesures conservatoires (suspension des droits de vote, interdiction de distribuer des dividendes ou de disposer des actifs, désignation d’un mandataire chargé de surveiller la cible),
  •    sanctions pécuniaires, et
  •    sanctions pénales (emprisonnement, confiscation, amende).

 

Depuis 2019, la cible française ou l’investisseur étranger (avec l’accord de la cible) peut demander un examen préalable afin de déterminer si la ou les activités de la cible entrent dans l’une des catégories d’activités protégées et si la procédure de demande d’autorisation devrait être suivie.

Quelques chiffres enfin pour 2021 :

  •    La Direction générale du Trésor a étudié 328 dossiers : 124 opérations ont été autorisées (dont 67 sous conditions), 41 dossiers concernaient des demandes d’examen préalable (dont 76% d’inéligibles).
  •    26% des dossiers contrôlés étaient en lien avec le secteur de la santé (en forte croissance).
  •    41% des investisseurs contrôlés viennent d’Europe (UE et EEE).
  •    2/3 des projets d’investissements sont réalisés par des investisseurs européens, l’Allemagne étant le premier investisseur en nombre de projets devant les Etats-Unis.

Tout investisseur souhaitant investir dans un secteur d’activité protégé par la France, devra donc se poser la question de la soumission de l’investissement à la procédure de demande d’autorisation, et anticiper son impact sur le calendrier des opérations.

Sources

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