Par l’intermédiaire de son ministre chargé de l’économie, la France soumet à autorisation préalable les investissements étrangers réalisés dans les activités de nature à porter atteinte à « l’ordre public, la sécurité publique, ou la défense nationale ».
En 2020 et 2021, la France a ajouté à la liste des activités protégées (Article R151-3 du Code monétaire et financier), deux activités de R&D portant sur des technologies critiques : les biotechnologies (visant indirectement le domaine de la santé) et les technologies intervenant dans la production d’énergie renouvelable.
Les investissements visés sont : la prise de contrôle (acquisition, augmentation de capital ou constitution), l’acquisition de branches d’activités, et, pour les investisseurs non-membres de l’UE, le franchissement du seuil de détention de 25% d’une entreprise française. Toujours dans le contexte de la crise sanitaire, ce dernier seuil a été temporairement abaissé à 10% pour les investissements dans les entreprises cotées.
Les informations à fournir à l’appui d’une demande d’autorisation doivent notamment permettre d’identifier les bénéficiaires ultimes de l’investissement, l’existence de liens financiers avec un gouvernement étranger, les actifs stratégiques concernés, les motivations de l’investisseur.
Le silence du ministre à l’issue d’un délai de 30 jours suivant le dépôt de la demande vaut rejet. Le ministre peut également faire courir une période d’examen complémentaire de 45 jours. En pratique, l’investisseur et le gouvernement français échangent en dehors des dépôts formels d’information.
Les autorisations peuvent être soumises à des conditions afin notamment d’assurer la pérennité des activités protégées en France ou d’empêcher la captation des savoirs (exemples de conditions : maintien du siège social, des capacités de production et/ou des centres de R&D en France, poursuite de certains contrats, cession de participations ou d’actifs de la cible). L’investisseur et l’Etat français signent une lettre d’engagement listant les conditions de l’autorisation.
La décision de refus d’autorisation ou d’autorisation sous conditions est une décision administrative susceptible de recours pour excès de pouvoir devant les juridictions administratives. Le refus doit être justifié par l’impossibilité de préserver les intérêts nationaux, même en imposant des conditions, ou le fait que l’investisseur ne satisfait pas au « test d’honorabilité ».
Bien entendu, toute une batterie de sanctions conclut ce dispositif à l’attention de ceux qui s’y soustrairaient :
- nullité du contrat qui réalise l’investissement non autorisé,
- injonctions de faire, au besoin sous astreinte,
- mesures conservatoires (suspension des droits de vote, interdiction de distribuer des dividendes ou de disposer des actifs, désignation d’un mandataire chargé de surveiller la cible),
- sanctions pécuniaires, et
- sanctions pénales (emprisonnement, confiscation, amende).
Depuis 2019, la cible française ou l’investisseur étranger (avec l’accord de la cible) peut demander un examen préalable afin de déterminer si la ou les activités de la cible entrent dans l’une des catégories d’activités protégées et si la procédure de demande d’autorisation devrait être suivie.
Quelques chiffres enfin pour 2021 :
- La Direction générale du Trésor a étudié 328 dossiers : 124 opérations ont été autorisées (dont 67 sous conditions), 41 dossiers concernaient des demandes d’examen préalable (dont 76% d’inéligibles).
- 26% des dossiers contrôlés étaient en lien avec le secteur de la santé (en forte croissance).
- 41% des investisseurs contrôlés viennent d’Europe (UE et EEE).
- 2/3 des projets d’investissements sont réalisés par des investisseurs européens, l’Allemagne étant le premier investisseur en nombre de projets devant les Etats-Unis.