DEJOUER LES PIEGES D’UNE ASSOCIATION A 50/50

Avril 2023

L’idée noble de lancer, à deux, une association égalitaire ne doit pas occulter les embuches potentielles de l’aventure. Si l’on est déterminé à exclure tout solution alternative destinée à rompre légèrement l’équilibre (troisième associé jouant le rôle de tiers arbitre, répartition à 49/51 permettant l’adoption de certaines décisions par l’associé majoritaire seul, décorrélation des droits financiers et politiques), cette association se doit d’être scrupuleusement réfléchie et préparée pour tenter de préserver l’équilibre et dépasser les blocages, notamment par l’introduction de clauses idoines dans les accords d’associés.

Pourquoi, comment et jusqu’à quand ? Ce sont les réponses individuelles à ces interrogations qui permettront aux deux personnes physiques désirant s’associer à 50/50 de bien définir leurs attentes et objectifs communs et de paramétrer leur association dans le pacte d’associés et les statuts de leur société.

Préservation d’une situation équilibrée

Qui dit association de deux individus à 50/50, dit en premier lieu équilibre des associés dans leurs engagements respectifs, c’est-à-dire, dans leurs investissements financiers et humains.

 

L’investissement financier, dont le montant sera fixé en fonction du plan d’affaire (business plan) des budgets prévisionnels, d’investissement et d’exploitation, devra en principe être effectué à parts égales, que ce soit en capital (numéraire ou nature) ou en compte courant. S’il est aisé de contrôler l’égalité à la constitution de la société (particulièrement si l’apport est en numéraire), il est plus complexe de la faire perdurer au cours de la vie sociale, au gré du développement de la société, et des ressources et besoins de chacun des deux associés. Ceux-ci ont dès lors tout intérêt à s’accorder initialement sur les principes qu’ils envisagent de suivre :

 

  • principes en matière de politique de mise en réserve et de distribution de fonds propres : par exemple, mise en réserve du résultat jusqu’à atteinte d’un certain montant de fonds propres, distribution de dividendes calée sur un pourcentage du résultat distribuable après atteinte de certains seuils ; et
  • principes en ce qui concerne la hiérarchisation des moyens de financement nécessaires pour le développement de la société : fonds propres, financements bancaires, avances en compte courant, augmentations de capital et autres.

La distribution des revenus capitalistiques de ces investissements (distribution de dividendes ou réserves, intérêts de compte courant, plus-value en cas de revente simultanée) pourra ainsi rester strictement égalitaire.

 

Le paramétrage de l’investissement humain des deux associés soulèvera certainement plus de difficultés et discussions. C’est la raison pour laquelle les associés devront d’abord convenir du rôle opérationnel et de la contribution de chacun, ainsi que de sa rémunération. Si l’investissement humain est construit sur un système égalitaire, égalitaire devrait être la rémunération et parallèles devraient être ses évolutions (en fonction par exemple de critères objectifs liés au développement de la société).

 

Ensuite en matière de gouvernance : la SAS est indubitablement l’outil le plus souple, laissant davantage de place à l’imagination. La seule contrainte en matière de gouvernance est la présence obligatoire d’un Président, qui représente la société à l’égard des tiers et qui est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en son nom. Mais, contrairement à la société à responsabilité limitée qui peut être dirigée par des co-gérants, il est impossible d’attribuer la qualité de Président d’une SAS à plusieurs personnes. Pour pallier cette difficulté, moults scenarii – et panachages – sont envisageables pour une direction de concert par les deux associés :

 

  • Nomination d’un Directeur Général détenant des pouvoirs identiques à ceux du Président (et, à l’instar de celui-ci, désigné comme dirigeant sur l’extrait K-bis), impliquant que chacun d’eux détient séparément le pouvoir de prendre tous actes de gestion dans l’intérêt de la société ;
  • Limitation des pouvoirs du Président et du Directeur Général sur les décisions de gestion les plus importantes, celles- ci devant faire l’objet, soit d’un droit de veto de l’autre dirigeant, soit d’une autorisation préalable par un organe collégial composé des deux associés ; et/ou
  • Délimitation de pouvoirs spécifiques et/ou techniques à chacun des dirigeants, toutefois équivalents en importance et en investissement.

 

Une fois la réflexion menée, les principes ci-dessus devront être fixés dans les statuts et, le cas échéant pour ce qui relève des aspects confidentiels, dans un pacte d’associés.

Dépassement des blocages

Quand bien même des garde-fous auraient été envisagés, certaines situations de blocage peuvent naître entre les associés, que ce soit sur la gestion quotidienne de la société ou sur les décisions relevant de la compétence des associés nécessitant toutes, de fait, l’unanimité. Il est dès lors opportun de prévoir, dans les statuts et/ou dans le pacte d’associés, des procédures ayant pour visée de prévenir ces blocages et résoudre de bonne foi les difficultés engendrées.

 

Quand les associés sont des personnes physiques, l’exercice est plus délicat que lorsque les associés sont des personnes morales pouvant faire appel pour trancher les difficultés à des représentants de ces personnes morales autres que ceux impliqués dans la gestion de la société. Si les associés sont des personnes physiques, il peut toutefois être prévu en cas de conflit sur une décision :

 

  • une procédure de deuxième et/ou troisième « convocation » des instances décisionnaires, selon le forum concerné par le blocage, à des intervalles suffisamment proches pour assurer la continuité de l’activité, mais suffisamment éloignés pour donner le temps aux dirigeant-associés d’examiner la situation ; puis
  • une procédure non institutionnalisée (et donc souple et peu coûteuse) impliquant un tiers, agissant en tant que médiateur ou conciliateur.

 

Rappelons qu’en cas de blocage dans les décisions de la compétence des associés, chacun d’eux a la possibilité d’initier à l’encontre de l’autre une action en abus d’égalité, dont la sanction serait l’octroi de dommages et intérêts ou la nomination d’un mandataire ad hoc pouvant aboutir à un déblocage.

Si malgré tout le blocage se cristallise, et de manière à éviter de pénaliser l’activité de la société, restera à actionner les procédures plus invasives de sortie de blocage qui auront également été prévues dans les statuts et/ou le pacte d’associés, c’est-à-dire la séparation.

Sortie de conflit en cas de blocage cristallisé

Les clauses d’exclusion ne sont d’aucun secours dans ces situations, dans la mesure où, de jurisprudence constante, un associé ne peut être écarté du vote portant sur son exclusion.

 

En revanche, les clauses typiques de pactes d’associés trouveront leur intérêt avec plus d’acuité qu’à l’accoutumée (tels les classiques droits de préemption et agrément, jouant même en cas de transmission par voie de succession). Surtout, pourront être utilement incluses dans les accords entre associés des clauses de sortie, telles que :

 

  • La clause dite de buy or sell (avec variantes plus ou moins brutales) permettra à l’un quelconque des associés de proposer à l’autre de racheter ses actions à un prix déterminé, celui-ci ayant alors la possibilité, soit d’accepter cette offre de rachat, soit au contraire de racheter les actions de l’autre au même prix (cette clause a pour avantage d’obliger l’associé qui la met en jeu de proposer un juste prix, dans la mesure où le rachat pourrait se réaliser à front renversé).
  • La clause de retrait donnera la possibilité à l’un ou l’autre des associés de quitter la société en obtenant que celle-ci ou son associé lui rachète ses actions (à un prix qui pourrait être fixé à dire d’expert si les associés ne s’accordaient pas sur son montant).
  • La clause de sortie conjointe permettra à un associé, faute d’accord amiable sur une séparation, de provoquer la cession de la société à un tiers.

 

Les circonstances de mésentente permettant la mise en jeu de ces clauses (usuellement un conflit sérieux mettant en péril la réussite de l’association), comme les procédures à suivre, devront être précautionneusement rédigées.

En conclusion, avant de se lancer dans une association, les futurs associés se doivent d’envisager la plus large palette de désaccords et points délicats, non pour les résoudre à l’avance, mais pour les aplanir, encadrer leur résolution et prévoir des issues. La rédaction des statuts et du pacte est donc primordiale, sachant qu’en cas d’échec, les associés disposeront des recours judicaires prévus par la loi – telles les demandes en dissolution pour mésentente ou de nomination d’un administrateur provisoire -, qui ne seront cependant concevables et recevables que si la mésentente des associés entraîne une paralysie complète de l’activité économique de la société, sans doute trop tard pour récupérer la moindre valeur.

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